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Pure Baking Soda : Kevin Gates, la perle de Cash Money



Même si l’indépendance est préférée, voire revendiquée par certains, une signature sur un gros label reste encore aujourd’hui la quête principale de beaucoup d’artistes rap. Grâce aux structures de ces compagnies, les contrats qui y sont signés offrent moyens et exposition décuplés et sont souvent le sésame vers une carrière durable.
Pourtant, et indépendamment des difficultés que rencontre l’industrie de la musique depuis quelques années, certains contrats n’aident en rien les artistes, peuvent même se révéler être des boulets, voire générer des situations cauchemardesques.
Nombreux sont les exemples de relations tumultueuses entre les rappeurs et les labels, et certains comme Death Row ou Rap-A-Lot en ont presque fait une marque de fabrique.
Parmi les écuries de luxe à avoir, volontairement ou non, mis des bâtons dans les roues à leurs artistes, Cash Money occupe une place de choix.

Cash Money Records est devenu en une vingtaine d’année un des labels les plus influents de la planète, et pour en arriver là, les deux gangsters à sa tête ont dû multiplier les stratégies et alliances crapuleuses. Bryan « Birdman » Williams et son frère Ronald « Slim » Williams ont ainsi plusieurs histoires de royalties non distribuées à leur compteur, et dans les rues de la Nouvelles Orléans d’où ils sont originaires, on raconte qu’ils auraient même un peu de sang sur les mains.
Conséquence directe de leurs manigances, de nombreux artistes ont fini par quitter le navire Cash Money : Mannie Fresh et les Hot Boy$ (à l’exception de Lil Wayne) ont ainsi fui le label alors qu’ils en étaient les porte-drapeaux.

Pour en savoir plus sur l’histoire de Cash Money Records, la lecture de « Gangsta Gumbo » de Jean-Pierre Labarthe est vivement conseillée, ainsi que l’écoute de cette compilation du label à laquelle l’auteur a participé : « Mannie Fresh Timeline ».

Toujours businessmen aussi intransigeants qu’exubérants, les frères Williams semblent aujourd’hui beaucoup moins titiller la loi que par le passé.
Néanmoins, il leur arrive encore –à eux mais aussi à Lil Wayne, devenu depuis président de Young Money Cash Money– d’user la patience de certains de leurs artistes en ne leur apportant pas assez de soutiens.
Au cours de la décennie passée ils ont ainsi vu partir Curren$y ou All-Star (devenu depuis Starlito) parce qu’ils reprochaient au label de ne pas les mettre en avant, voire de les empêcher de sortir de la musique : pendant leurs années de contrat chez Cash Money, ces rappeurs devaient obligatoirement distribuer leur musique gratuitement ou par des moyens détournés (changement d’alias, recours aux dons des fans, etc.).
Aujourd’hui libérés de leurs obligations chez Cash Money, ces deux rappeurs ont pu relancer leur carrière. Et étant donné la qualité de leurs projets respectifs, le traitement que leur avait réservé Cash Money reste incompréhensible.

S’il est intéressant d’évoquer ces parcours aujourd’hui, c’est parce qu’il se pourrait qu’un nouvel artiste Cash Money vive la même situation.

Début octobre 2012, apparaissait sur iTunes un album signé d’un certains KVN Gates. Par « KVN », il fallait comprendre Kevin. Kevin Gates est un rappeur originaire de Bâton Rouge en Louisiane, signé depuis la fin d’année dernière sur YMCMB. Ce contrat le liant lui et sa musique au label, il ne peut sortir de musique sans leur autorisation. Mais la structure de Lil Wayne n’ayant pas ou peu mis en avant l’artiste depuis, il est obligé de sortir de la musique comme un indépendant… et de le faire sous un autre nom pour contourner les termes de son contrat.

Combien de personnes ont entendu parler de Kevin Gates depuis la signature de son contrat ? Pourtant le jeune homme est probablement un des meilleurs rappeurs de l’équipe de Lil Tunechi.



Elevé par une mère célibataire, Kevin est allé chercher des figures paternelles parmi les rappeurs de sa ville d’origine. De Young Bleed à Lil Boosie, en passant par Max Minelli, la musique de Kevin Gates est marquée par l’histoire du rap de Bâton Rouge, et ses rappeurs qui savent mieux que quiconque passer de l’hédonisme des clubs aux prêches sublimant le quotidien de la rue.

Kevin Gates a pour lui d’avoir une voix grave faite pour le rap et qu’il n’hésite pas à utiliser pour chanter. D’ailleurs, aussi doué pour rapper que pour choisir les mélodies de ses refrains, il fait parti du haut du panier de cette classe d’artistes fusionnant rap et chant, bien meilleur que des Kirko Bandz et autres B.o.B..



Localement, c’est dès 2009 que Kevin Gates commence à connaître un succès d’estime. Sa cote ne cessera de monter au fil de mixtapes comme Pick Of Da Litter, All or Nuthin’ ou All In, jusqu’à faire de lui une figure reconnue à Bâton Rouge. Jonglant entre la bounce music façon Trill Fam, les mélopées radio compatibles et le rap de rue, il se permet donc de séduire un public on ne peut plus large.

Malheureusement, son ascension sera stoppée nette par une incarcération pour possession d’armes et de drogues fin 2009. En effet, malgré son relatif succès, Kevin Gates ne voyait alors le rap que comme un loisir, et c’était plutôt la voie crapuleuse qu’il se voyait suivre pour faire de l’argent.

A sa sortie de prison en 2011, Gates décide de laisser son passé gangster derrière lui pour se consacrer entièrement au rap. Pour marquer son retour très attendu à Bâton Rouge, il sort Don’t Know What You Call It vol.1, dont les singles vont faire plusieurs millions de vues du youtube et consolider la reconnaissance qu’il avait avant son incarcération, jusqu’à commencer à interpeler les majors, pour finalement signer ce contrat avec Cash Money.

Suintant les bayous et les clubs de Louisiane, Kevin Gates pourrait parfaitement se fondre dans l’histoire de Cash Money. Et tout récemment, avec la sortie de l’excellent projet Make ‘Em Believe et des quelques titres qui ont suivi, il semble avoir franchi un nouveau cap, en particulier grâce à une écriture qui évoque parfois Starlito ou les meilleures heures de Lil Wayne.



Paradoxalement, sa carrière ne semble pourtant pas être une priorité pour YMCMB. Peut-être parce qu’à l’heure où internet et ses buzz 2.0 semblent souffler aux labels quels artistes mettre en avant, Kevin Gates commet le crime d’avoir d’abord un public dans le monde réel. Ou alors, parce qu’avec toutes les facettes de son rap et de sa personnalité, Kevin Gates pourrait se positionner comme un sérieux rival des deux têtes d’affiche de son propre label… Kevin Gates a-t-il le potentiel pour faire de l’ombre à la fois à Drake et à Lil Wayne ? Espérons que Cash Money lui laisse la possibilité de le démontrer.

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